Plus d’un petit curieux aura sans doute rougi en lançant la série Sex Education sur Netflix. Masturbation, érection, fellation… Sans tabou, la série répond à toutes les questions sur le sexe et les relations amoureuses que se posent les lycéens de Moordale. Et sûrement pas qu’eux !
On est loin de l’univers aseptisé des bluettes qui ont accompagné les générations d’ados du siècle passé. Finies les amourettes simplettes à la cafet’ entre Hélène et les garçons ! Avec Sex Education, les ados ne sont pas que filles ou garçons. Hauts en couleur, ils sont gays, bi, hétéros, et ne rêvent que de faire l’amour (ou le font déjà). Et se demandent bien comment faire pour que ça fonctionne sans problème ! Sans détours, la série aborde ainsi plein de questions « gênantes ». Et ceci de manière joyeuse et décomplexée, grâce à une mise en scène soignée et des rebondissement délicieusement subversifs. Car le parti pris est très clair : parler de tout et tout montrer !
Certaines scènes et messages véhiculés pourront donc en choquer certains. Comme montrer une vulve en gros plan, des scènes d’intimité homosexuelles, des érections un peu trop encombrantes… mais en forçant le trait, la série va droit au but. On appelle un chat un chat ! Ou parfois une chatte. Comme dans un épisode hilarant de la première saison, où il est question de photos/sextos qui circulent via les téléphones (tiens tiens…). De manière bien plus rigolote que dans la réalité, cet épisode met en garde contre les risques de ces photos intimes. Mais, surtout, il questionne la supposée « normalité » du corps. Car ce n’est pas tant le fait que la photo circule dans tout le lycée qui inquiète ces héros aussi drôles qu’obsédés. Mais la forme, la couleur, les poils. Bref, du concret !
Qu’on aime ou pas, la série a le mérite d’apporter des réponses sans détours

Derrière des histoires un peu trash et des cas pratiques, très pratiques (un autre épisode met en scène une leçon de fellation avec une banane) la série a surtout le mérite d’apporter des réponses sans détours. Et élève ainsi la réflexion vers des sujets autrement plus complexes. Comme le genre, le consentement, les maladies sexuellement transmissibles, l’IVG. À l’heure des #MeToo et autre Manif pour tous, Sex Education prend résolument le pari d’éduquer à la liberté du corps et de la sexualité. Elle véhicule des messages libertaires qui ne plairont donc pas à tous. Sois qui tu veux, aime qui tu veux et apprends à connaitre ton corps pour avoir une sexualité épanouie. Quelle qu’elle soit.
La toute première chose à savoir à propos du sexe, c’est que : C’EST COOL ! D’en faire un peu, beaucoup, souvent, pas du tout, quelles que soient les combinaisons, ça peut être génial, tant qu’on en a envie »

peut-on lire dans le petit manuel Sex Education qui a accompagné le lancement de la saison 21. Certes, l’amour avec un grand A semble un peu passer aux oubliettes, car finalement c’est bien la seule chose qui ne s’apprend pas dans cette série acidulée et colorée. Pas de règles en amour… qui reste malgré tout au coeur de l’intrigue ! Alors qu’en matière de sexualité, des mises au point précises et instructives sur son corps et celui des autres s’imposent.
Consentement, respect & droit à la différence sont mis à l’honneur
Alors que de nombreux parents s’inquiètent du porno à portée de clic qui menace leurs enfants curieux de la chose, Sex Education pourrait bien étancher cette « soif de savoir » dont parlait déjà Freud il y a plus de cent ans. Et sûrement mieux que ne le ferait Google ou des forums de discussions. Car en plus d’informations très concrètes sur l’anatomie, la diversité des corps, des pratiques et des risques, ces deux premières saisons revendiquent haut et fort l’importance du consentement – nécessaire à toute relation sexuelle – du respect – dû à chacun.e – et du droit d’être différent.e.

Sans approche moralisatrice (loin de là) et contrairement au porno, la série donne plein de réponses aux questions les plus basiques. Et va même beaucoup plus loin en abordant ces thèmes rarement évoqués en éducation à la sexualité. Une « matière » inscrite au programme scolaire. Qui devrait selon l’éducation nationale prendre «la forme d’une invitation au dialogue, dans un cadre global, positif et bienveillant ». Si Sex Education n’a rien d’un programme scolaire (!), vue sous cet angle, elle semble parfaitement faire le job ! A condition peut-être de préserver une certaine intimité dans la visualisation du programme. Et de garder le dialogue pour plus tard.
Car il est fort à parier que des adultes expérimentés riront plus que des ados à l’aube de leur vie sexuelle en suivant les aventures d’Otis, Maeve et de tous les personnages un peu barrés de Sex Education. Mais les plus jeunes qui se seront aventurés devant l’écran y auront sûrement trouvé des ingrédients suffisamment croustillants pour se sentir grandis d’un seul coup. Et auront donc appris beaucoup de choses ! Les parents eux n’auront peut-être pas tous ri après tout. Mais ils auront a minima, fait une plongée instructive dans ce qui pourrait bien trotter dans la tête de leurs ados de 2020. Et ça, c’est une bonne base de départ, non ?
1Réalisé par Charlotte Abramow. Téléchargeable gratuitement
À propos de l\'auteur·trice
Médiatrice et formatrice pour Fréquence écoles, Caroline Bonnard est une ancienne journaliste de télévision, « rédactrice-cadreuse-monteuse » convertie à l’éducation aux médias et au numérique. Passionnée par les bouleversements induits par la « révolution numérique » elle s’intéresse à tout ce qui transforme nos modes d’information, de communication et d’interaction. Maman, elle teste aussi dans sa famille une approche critique mais bienveillante de l’éducation aux médias convaincue qu’il est nécessaire de s'y intéresser de près.