Jouer aux jeux vidéo avec ses enfants pendant le confinement
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Impressions d’un parent / médiateur numérique confiné : les jeux vidéo

Confiné avec ses enfants : Partie 2

A quatre dans 67,5 m², la période de confinement actuelle impose de trouver pour les enfants des activités qui les captivent suffisamment pour permettre aux adultes d’avoir un peu de temps à consacrer au télétravail ou aux tâches ménagères. Comme de nombreux parents le savent, il y a pour les enfants peu d’activités aussi captivantes que les jeux vidéo, surtout quand on est confiné. La seule à ma connaissance à pouvoir leur faire oublier temporairement l’heure du repas. Lorsque l’objectif est d’obtenir la tranquillité des adultes, l’encadrement des temps vidéoludiques est différent de quand il s’agit juste de répondre aux attentes des enfants.

Un cadre pour s’auto-réguler

J’ai opté pour un emploi du temps conjuguant demi-journées d’école à la maison et demi-journées de télétravail. Cela implique que, d’environ 6h /semaine, le temps globalement consacré aux jeux vidéo est passé dans mon foyer confiné à environ 2h par jour. Pour les obliger à s’auto-réguler, j’ai introduit de nouvelles règles. Ils peuvent jouer chacun 1h seul, ou 1h30 s’ils jouent à deux. Cela les incite à choisir entre les jeux qu’ils préfèrent, mais que l’autre frère n’apprécie pas trop, les jeux qu’ils aiment tous les deux, les jeux auxquels ils préfèrent jouer seul, etc.

Ils ont rapidement identifié la formule la plus avantageuse :
Enfant #1 joue 1h seul
Enfants #1 et #2 jouent 30 min ensemble
Enfant #2 joue 1h seul

J’ai un temps tenté de conserver la maîtrise du temps d’écran en interdisant à celui qui ne joue pas de regarder celui qui joue, avec un succès mitigé et une faible envie de faire le nécessaire pour m’assurer du respect de cette règle : cela les occupe tous les deux, et ce sont de véritables moments fraternels, pendant lesquels ils se conseillent, se congratulent, se chambrent, etc. Dès que j’aurai réussi à les faire jouer dans leur chambre plutôt que dans le salon, où je travaille, ce sera parfait.

Les jeux vidéo sont donc sans conteste l’un des principaux atouts d’un parent confiné qui doit continuer à travailler. A condition bien sûr de les faire jouer… hors ligne. Comme mes enfants n’ont pour l’instant pas accès à des jeux en ligne, chez moi, ça ne change pas grand chose. Mais si vous cherchez à réduire le temps consacré aux jeux en ligne à la mode (Fortnite, Fifa, etc.), vous pouvez décréter que la bande passante familiale est réservée à celles et ceux qui bossent plutôt qu’à celles et ceux qui jouent. Cette manœuvre vous met en outre à l’abri des aléas propres aux usages des (pré-)adolescents lorsqu’ils échangent en ligne avec d’autres joueurs qu’ils ne connaissent pas : confidences déplacées, langage ordurier, incitations à acheter des contenus supplémentaires, à rejoindre d’autres jeux, d’autres communautés, etc.

Les jeux vidéos comme supports pédagogiques

Si les jeux vidéo nous offrent à moi et à ma compagne quelques heures de « tranquillité », ils sont aussi de redoutables auxiliaires éducatifs. La principale difficulté des premiers jours d’école à la maison a en effet été de les motiver pour adopter une posture d’apprenant tout en étant à la maison, dans un cadre familier. Pour faire un peu passer la pilule, je me suis appuyé sur Minecraft. C’est l’un de leur jeu préféré (et le mien depuis que j’ai vu ce qu’ils pouvaient y apprendre…). Dans le mode Créatif, aucun ennemi ne viendra perturber leurs séances de construction. Raison pour laquelle j’ai choisi de leur faire travailler géométrie et mathématiques dans ce cadre.

Alors là, forcément, ils ont été partants pour l’activité. Sans avoir de prime abord tout à fait compris ce que j’attendais d’eux. Ce fut une nouvelle opportunité de rappeler l’importance d’écouter et comprendre les consignes avant de se lancer dans un exercice. Après ce premier essai, nous avons multiplié les exercices :

• Dessiner le plan d’une ville avant de la construire ensuite dans Minecraft

• Puis reproduire le plan à l’échelle (un conseil : un bloc = 2 mm, parce qu’1 bloc = 1 mm, c’est chaud, sauf si vous avez du papier millimétré sous la main…).

Pour le collégien, calculer le nombre de blocs utilisés pour chaque niveau de la pyramide s’est avéré une très bonne introduction à la notion de carré (²).

Des pyramides Minecraft pour les exercices de math

Fort de ce succès d’estime dans le domaine des mathématiques, j’ai essayé de décliner la formule pour le Français. C’est avec Zelda Breath of the Wild que j’ai choisi de tenter ma chance. Constatant après quelques heures de jeu que chaque joueur empruntait un parcours (très) différent des autres, je leur ai demandé de rédiger un carnet de bord de leur évolution dans le jeu, de leurs réussites, rencontres, échecs, etc. Je persiste à penser que l’idée était bonne. Mais nécessitant trop de pauses dans le jeu, ce qui a amené l’écolier à décréter qu’il n’aimait plus ce jeu. Nous avons donc mis ce projet en pause. Même si nous évoquons souvent ensemble les péripéties et difficultés du jeu, auquel nous jouons tous les trois à la mesure de notre temps disponible.

Raconter une partie de Zelda et se découvrir un goût pour Tolkien

Les jeux vidéos comme activité partagée

Enfin, puisque j’ai décidé dès le début du confinement de limiter l’exposition des enfants aux informations anxiogènes que cette pandémie produit en grande quantité, les jeux vidéo sont devenus, avec les films et séries que nous en profitons pour leur faire découvrir, notre principale activité multimédia partagée. Qu’il s’agisse d’empoignades hilarantes (Super Smash Bros, Arms), de courses échevelées (Mario Kart) ou de périples familiaux dans l’espace (Lovers), ces jeux nous ont permis comme à chaque fois de passer de bons moments tous ensemble, sans pour autant oublier d’en profiter pour leur rappeler quelques règles élémentaires de la vie en société : être attentif aux autres, échanger avec les autres, être patient, etc.

il est fort probable que la situation inédite qui est aujourd’hui la nôtre amènera de nombreux parents hostiles aux jeux vidéo à comprendre l’intérêt, et les apports, de l’activité, pour les enfants comme pour eux-mêmes.

Alors que l’OMS exhorte les populations des pays confinés à jouer à des jeux vidéo pour passer le temps et accepter le bouleversement des habitudes quotidiennes, il est fort probable que la situation inédite qui est aujourd’hui la nôtre amènera de nombreux parents hostiles aux jeux vidéo à comprendre l’intérêt, et les apports, de l’activité, pour les enfants comme pour eux-mêmes. Celle-ci ne doit bien sûr pas totalement supplanter les autres activités ludiques. Mais ses nombreux avantages répondent assez parfaitement aux contraintes actuelles : s’occuper chez soi, contenus disponibles en ligne, besoin de dégager du temps pour les parents, etc.

A condition bien sûr de :
– partager des parties avec les enfants
– parler avec les enfants de leurs jeux préférés et ce qu’ils aiment / n’aiment pas
– comprendre les principes des jeux qu’ils ont choisis
– garder l’autorité en ce qui concerne les aspects pratiques : temps, lieu, en ligne / hors-ligne, etc.

Cette période un peu particulière peut, d’après-moi, être mise à profit pour « redresser » les erreurs qui auraient été commises lors de l’ouverture des droits enfantins aux jeux vidéo. C’est à dire : accompagner le choix des jeux, poser des questions sur le principe et le déroulement du jeu, partager des parties, fixer et faire respecter le temps imparti, etc.

Alors, les jeux vidéo apparaîtront aux parents les plus réticents pour ce qu’il peut être : une activité a la fois ludique et pédagogique, pour peu qu’on s’en donne les moyens et à condition d’accepter de montrer un minimum d’intérêt, d’offrir une oreille attentive et de faire respecter le cadre validé en accord avec tous les membres de la famille.

À propos de l\'auteur·trice

Médiateur et formateur pour l’association Fréquence Ecoles, Christophe Doré se déplace dans les structures éducatives auprès des enfants, ados, parents et encadrants pour les guider dans les mondes numériques. Professionnel de la veille stratégique, c’est grâce à lui que les sources avec lesquelles sont écrits les contenus dans le Super Média seront toujours les plus récentes et les plus intéressantes. Également journaliste et consultant spécialiste de la presse écrite et des réseaux sociaux, Christophe puise ses questionnements dans son expérience de papa de deux enfants en cours de connexion.

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