Ou plus précisément : quelles questions se poser avant de se décider à installer l’application StopCovid sur le smartphone de son enfant ou son ado ? Car il n’y a pas une seule réponse à cette question. Le choix devrait se faire sur la base de ce que nous savons de cette application et des valeurs de chacun·e. Donc, pour ceux qui viendraient chercher une réponse simple et rapide, je spoile l’absence de réponse pour vous éviter de perdre votre temps.
Selon la rubrique FAQ (= questions fréquemment posées) du ministère de l’Economie consacrée à l’application StopCovid, le développement de l’application a été pilotée en France par l’Institut National de Recherche en Sciences et technologies du numérique, organisme public de quelque renommée. Ont collaborés de près ou de loin au développement de l’application StopCovid d’autres organismes publics ainsi que de nombreuses entreprises privées (Orange, Dassault Systèmes, Withings, fournisseurs de composantes logicielles et matérielles…)
Si vous faites confiance aux :
→ Scientifiques d’institutions publiques : Installez
→ Entreprises privées : Installez
→ Scientifiques d’institutions publiques pour résister aux pressions que les entreprises privées, auxquelles vous ne faites pas confiance, pourraient exercer sur eux pour grappiller quelques bénéfices / données ? Installez
→ Entreprises privées pour guider ces scientifiques d’institutions publiques qui ne réussiraient rien seuls ? Installez
Le code-source de la solution retenue était jusque récemment la propriété d’une entreprise. La veille de la mise à disposition de l’application, ce code propriétaire est devenu une licence libre.
→ Vous pensez que logiciel libre = humanisme ? Installez
Le principe est d’utiliser le système de connexion sans fil Bluetooth pour repérer les autres appareils activés aux environs. La portée du Bluetooth est dans ce cas d’environ 1 m. Cela permettrait donc d’identifier d’autres utilisateurs qui ont stationné dans un rayon de 1 m pendant au moins 15 min. Durée fixée par les autorités sanitaires associées au projet.
→ Vous n’estimez pas utile qu’une application avertisse votre enfant qu’elle/il a passé 15 min à 1m d’une personne ? N’installez pas
→ Vous ne voulez pas que des services de l’Etat ait d’une façon ou d’une autre accès à des informations qui permettent a minima de déduire que deux personnes, dont votre enfant, ont été physiquement proches ? N’installez pas
→ Votre enfant emprunte beaucoup les transports en commun aux heures de pointe ? Installez
En qui aurez-vous le moins confiance ?

En situation, les téléphones accumulent ainsi les contacts avec d’autres téléphones. Et ce n’est que si / lorsque le propriétaire d’un téléphone se déclare porteur probable ou confirmé du Covid-19 que les propriétaires des téléphones qui l’ont croisé depuis le déploiement de l’application reçoivent une invitation à se faire eux-mêmes examiner. Ce sont les téléphones qui stockent les données de contact, et l’application fournit un flux d’identifiants de personnes touchées, que le téléphone compare à sa propre liste sur les 14 dernières journées (période d’incubation).
→ Vous avez confiance car le confinement s’est globalement pas si mal passé et les Français, y compris les plus jeunes, vont jouer le jeu ? Installez
→ Vous craignez que la prolifération des ondes bluetooth ne provoque une mutation du Covid-19 qui nous transforme en zombies mangeurs de cervelle ? N’installez pas (et restez confinés !)
→ Vous n’êtes pas prêt-e à consacrer 11,37 Mo de la mémoire du téléphone de votre enfant à une application supplémentaire ? N’installez pas
Se poser enfin la question des usages de nos données

Les données issues du déploiement de l’application sont gérées par une agence de Santé et hébergées par une filiale de Dassault Systèmes spécialiste du stockage informatique sécurisé. Elles ne sont, d’après les organismes qui pilotent le projet, ni nominatives ni géolocalisées.
→ « Sécurisé ou pas, mes données, je les donne pas à qui que ce soit » : N’installez pas
→ « Dassault, ce sont des bons : on peut leur faire confiance » : Installez
StopCovid est sur les plateformes de téléchargement d’applications éditée par Gouvernement.
→ Vous faites confiance au gouvernement ? Installez
→ Vous faites confiance aux français pour être plus intelligents qu’un gouvernement envers lequel vous n’avez aucune confiance ? Installez
→ Vous n’avez confiance ni envers le gouvernement, ni envers les Français ? N’installez pas (mais en vrai, vous n’aviez jamais envisagé de le faire, hein ?)
Voilà, posez-vous ces questions et faites votre choix. Et tant que vous y serez, posez-vous ces mêmes questions pour toutes les autres applications installées sur le smartphone de votre enfant, de votre conjoint-e et le vôtre. Celles qui distraient vos enfants et vous informent (et inversement). Et répondez-y honnêtement.
Si tout le monde décide de scruter ainsi toutes les applications.
Si nous prenons l’habitude de nous interroger sur la nature et les exploitations des données que nous produisons quotidiennement.
Et si nous remettons en cause les incitations qui nous sont adressées et les motivations des puissances publiques et privées. Alors, l’application StopCovid pourra probablement être considérée comme le nec plus ultra de la sensibilisation et de l’éducation au numérique.
À propos de l\'auteur·trice
Médiateur et formateur pour l’association Fréquence Ecoles, Christophe Doré se déplace dans les structures éducatives auprès des enfants, ados, parents et encadrants pour les guider dans les mondes numériques. Professionnel de la veille stratégique, c’est grâce à lui que les sources avec lesquelles sont écrits les contenus dans le Super Média seront toujours les plus récentes et les plus intéressantes. Également journaliste et consultant spécialiste de la presse écrite et des réseaux sociaux, Christophe puise ses questionnements dans son expérience de papa de deux enfants en cours de connexion.