Super Mario
© Caio Cesar Vasconcelos

Jeu vidéo : Quand c’est gratuit, ce n’est pas toujours un cadeau !

Ou pourquoi payer alors qu'il existe tant de jeux gratuits ?

Dans l’univers des jeux vidéo se côtoient des blockbusters qui se vendent (très) cher et des jeux tout aussi populaires, mais gratuits. Pour les plus réticent·e·s à acheter ces produits quelle aubaine ! Pourtant, est-ce qu’on y gagne vraiment ?

Un jeu vidéo c’est toujours une création qui demande beaucoup de travail à des corps de métiers très variés. Concepteur/conceptrice, designeuse/designer, programmeur/programmeuse… Tout un monde de professionnels travaille à fond pendant des mois pour créer un univers ludique où les joueurs et les joueuses évolueront parfois pendant des années. Qu’il s’agisse d’un opus comme Assassin’s Creed, qui ne coûte pas loin de 100 millions d’euros à produire, ou de Fortnite, le célèbre free to play, le travail reste le même.

Mais pour le consommateur et la consommatrice final·e pourtant, la différence est de taille. Car un jeu vidéo « free to play », comme son nom l’indique, est « gratuit à jouer ». Alors que la plupart des jeux sur consoles coûtent entre 50 et 100 euros à l’achat ! Avant de fixer les règles du jeu avec son enfant, mieux vaut donc avoir une petite idée du modèle économique dudit jeu. Car les répercussions sont bien réelles sur l’expérience utilisateur.  

« Quand c’est gratuit, c’est que c’est toi le produit ! »

De la même façon que sur les sites web, à la télévision ou dans la rue, les jeux vidéo gratuits vendent des espaces publicitaires. Les parties sont entrecoupées de publicités (ciblées, bien sûr) pour suggérer de nouvelles envies de consommation. Certes, les utilisateurs et utilisatrices ne succombent pas toujours aux tentations, mais la sollicitation est, elle, omniprésente. Et la frustration bien souvent au rendez-vous dans des parties suspendues, de manière intempestive, par des publicités. Ou comment saboter un précieux « temps d’écran » souvent âprement négocié !

Proposer des achats facultatifs, le modèle du Battle Pass de Fortnite

Un autre moyen de financer les jeux vidéo gratuits réside dans les micro-transactions. Des « mini-achats » proposés dans le magasin virtuel et qui améliorent substantivement l’expérience du joueur, comme le Battle Pass proposé dans Fortnite. Il est bien sûr possible de progresser sans, mais c’est tellement plus facile avec ! Car pour « passer les niveaux », obtenir les récompenses qui font l’attrait de ces mondes virtuels deux solutions s’offrent au joueur et à la joueuse : jouer (longtemps, pour obtenir tous les avantages convoités) ou s’offrir ce fameux Battle Pass pour une dizaine d’euros. Qui ne sera cependant valable que trois mois.

Il garantit des récompenses à chaque niveau, les skins, qui ne manqueront pas d’être notifiées à celles et ceux qui espèrent les obtenir gratuitement. Purement cosmétiques, ces skins sont de nouveaux habillages pour l’avatar ou ses équipements et ne procurent aucun avantage en jeu. Mais elles donnent tout de même terriblement envie ! Car dans ce jeu à forte dimension sociale, l’apparence a toute son importance. A l’occasion de la sortie du film, une skin Star Wars était proposée dans le magasin du jeu contre 15000 V-Bucks (la monnaie du jeu), ou directement 15€.

Les récompenses de Fortnite : leur nombre augmente énormément lorsque l'on paye
2 récompenses durement gagnées sur six niveaux pour celles et ceux qui jouent sans Battle Pass, contre 10 récompenses en l’ayant acheté.

Résultat, celles et ceux qui payent jouissent de nombreux avantages et gagnent en popularité. Et celles et ceux qui ne payent pas doivent se battre plus longtemps, pour gagner les points nécessaires à leurs achats.

En réseau, le combat ne se fait pas à armes égales

Cette inégalité de traitement prend d’autant plus d’importance en réseau. D’autant que certains jeux proposent de réels avantages pour quelques euros supplémentaires. Le délai entre chaque sortilège est trop long, l’armure n’est pas assez solide ? Mettez la main au porte-monnaie et vous accéderez à des privilèges qui vous favoriseront. On appelle pay to win les jeux qui offrent cette possibilité. Le temps c’est de l’argent dit-on ? Et bien cela se vérifie pleinement ici !

Crossfire, un autre des jeux vidéo gratuits qui inclut des achats payants pour avoir de meilleures armes
Dans CrossFire, les meilleurs armes ne peuvent s’acheter qu’avec de l’argent réel.

Avec plus de 250 millions de joueurs à travers le monde, force est de constater que la « gratuité » de Fortnite a été payante. Le plus grand nombre a pu s’y essayer, l’apprécier et souvent craquer pour ces fonctionnalités supplémentaires. Mieux vaut avoir cela en tête quand il s’agit de fixer les règles avec son enfant et comprendre les différentes stratégies à l’œuvre chez les éditeurs pour rentabiliser leurs créations. Comme le martèlent de nombreux spécialistes en éducation aux médias : intéressez-vous aux jeux auxquels jouent vos enfants pour comprendre les enjeux auxquels ils ou elles doivent faire face.

Si l’achat d’un jeu payant, peut représenter une grosse dépense initiale, 15€, 60 € voire plus, le prix prévu par l’éditeur pour rentrer dans ses frais est payé d’un coup. Il n’y a priori rien à dépenser de plus par la suite. Et avec un jeu qui se joue à plusieurs, la rejouabilitée peut être infinie. Surtout, les joueurs et les joueuses disposeront de toutes les cartes en main pour combattre à armes égales avec leurs adversaires. Toutes les formules sont donc possibles dans l’univers du jeu vidéo. Voire même l’accès initial payant mais qui propose malgré tout des micro-transactions dans un magasin interne, pour débloquer des items supplémentaires.

Reste donc à savoir sur quoi les parents, comme les enfants, sont prêts à faire des concessions.

Les jeux libres, qu’est-ce que c’est ?

Certains jeux n’ont pas d’accès payant, ne contiennent pas de publicités et ne demandent pas d’argent plus tard. Bien souvent, c’est parce qu’ils n’ont pas été créés dans un but lucratif. On pourrait les appeler des “jeux libres”. Ils sont le plus souvent le fruit du travail d’une ou de quelques personnes qui ont créé un jeu sur leur temps libre. Produits d’un travail plus amateur que professionnel, ces œuvres sont tout de même dignes d’intérêt.

Ces jeux parlent de sujets bien plus divers que ce qu’un très gros éditeur pourrait aborder. Car il ne sont pas soumis au risque d’un échec commercial. La plateforme itch.io forme un réseau de game designer (ceux qui conçoivent des jeux) ouvert à toutes et tous. On y trouve des prototypes, des jeux finis, des jeux payants, des jeux à prix libre (vous le payez si vous le souhaitez et le montant que vous voulez), parfois aussi des créations qui sont davantage des « œuvres d’art » que des jeux à proprement parler.

À propos de l\'auteur·trice

Médiatrice et formatrice pour Fréquence écoles, Caroline Bonnard est une ancienne journaliste de télévision, « rédactrice-cadreuse-monteuse » convertie à l’éducation aux médias et au numérique. Passionnée par les bouleversements induits par la « révolution numérique » elle s’intéresse à tout ce qui transforme nos modes d’information, de communication et d’interaction. Maman, elle teste aussi dans sa famille une approche critique mais bienveillante de l’éducation aux médias convaincue qu’il est nécessaire de s'y intéresser de près.

Formateur, intervenant et animateur, notamment pour l’association Fréquence Écoles, Gaulthier Gomes-Léal est le spécialiste des jeux vidéo qu’il maîtrise à la perfection, autant du point de vue technique que ludique. Également spécialisé dans le domaine la création audiovisuelle et informatique, suite à des études en communication et en informatique, il produit de nombreux contenus vidéos de son domaine de prédilection. Il a eu de nombreuses casquettes qui lui permettent d’être polyvalent, en effet, il a notamment été photographe, éducateur nature, réalisateur, animateur jeunesse et créateur de jeux vidéo.

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