Ils et elles ont passé plus de la moitié de l’année « en distanciel », jonglé avec des cours en visio, des demi-groupes, du présentiel en pointillé, un grand oral à préparer avec des profs pas toujours prêts ni disponibles… Usée·es, fatigué·es et un peu tristes aussi les lycéens et lycéennes de 2021 ne regrettent pourtant pas tout de cette année derrière les écrans.
Nola, Ettora, Charles, Julia et Marine ont entre 15 et 19 ans. Cette année encore, ces lycéennes et lycéens ont essuyé les plâtres d’une année marquée par l’hybridation, les masques et l’utilisation intensive d’écrans et d’outils numériques pas toujours disponibles, ni maîtrisés. Entre enthousiasme et déception, ils et elles se sont confié·es au Super Média.
L’ordinateur personnel : un idéal pas disponible pour toutes et tous
Dans un monde idéal, chaque élève disposerait de son propre ordinateur, d’une connexion performante et d’un endroit où travailler sereinement à l’abri du bruit et des sollicitations extérieures. Mais dommage, la réalité est souvent plus complexe. Nola, 16 ans, a dû utiliser l’ordinateur de son père.
On n’a qu’un ordi pour toute la maison et au début on devait se relayer. Ce n’était pas pratique. Surtout que j’ai dû installer un navigateur spécial parce que le site sur lequel je devais travailler n’était pas compatible avec le navigateur par défaut. Après, mon père a emprunté un ordinateur à son boulot pour ma sœur.
Nola, 16 ans
Ettora, 18 ans, elle, a plus de chance. Elle possède un ordinateur personnel mais a, pour autant, bien ressenti comment le manque de matériel pesait sur d’autres camarades.“Certains ont dû partager leur ordinateur avec des membres de leur famille, et c’était beaucoup plus difficile pour eux d’assister à tous les cours. Du coup, notre établissement leur a proposé de leur prêter des tablettes et des ordinateurs.”
La tentation de la grasse matinée
L’école à la maison présente un avantage indéniable : pouvoir directement transiter de son lit à son bureau, et donc gagner quelques heures de sommeil chaque semaine ! Marine, 15 ans, s’est très bien accommodée de ce rythme. “Moi qui ai besoin de beaucoup dormir ça m’a permis de mieux me reposer. Vu qu’il n’y avait pas les trajets j’avais plus de temps pour moi, plus de temps pour réviser les contrôles”. Même constat pour Julia, 19 ans, “très fatiguée au milieu de l’année “ elle a apprécié ce changement de rythme au moment de redoubler d’efforts pour préparer le bac.
Mais, revers de la médaille, il est souvent difficile de trouver l’énergie et la motivation pour s’y mettre ! “Travailler à distance ça rend beaucoup plus autonome quand on est consciencieux, mais ce n’est pas facile tout le temps.” admet Julia, plutôt bonne élève. Charles, 17 ans, a lui, en effet, rapidement opéré une sélection dans les cours où s’investir, et a donc délaissé une bonne partie des contenus.
Au niveau purement scolaire je ne vois aucun aspect positif. Personnellement j’ai besoin d’un cadre pour apprendre et là, j’ai perdu ce cadre.
Charles, 17 ans
Pour beaucoup, ce manque de repères a été très compliqué à gérer. Et aurait pu avoir des conséquences désastreuses sur leur parcours scolaire. Nola (même si elle l’a échappé belle !) en fait l’amer constat. “Globalement mes notes sont moins bonnes qu’avant , je n’ai pas du tout réussi à suivre, ça a été très compliqué. Je suis passée à deux doigts du décrochage scolaire, et mes notes sont tombées bien en dessous de celles du collège”.
La disparité de suivi entre les différentes matières à été assez décourageante comme l’ont expérimenté Ettora et Julia. “Nous étions très peu évalués dans certaines matières. Mais comme tous les lycées étaient “dans le même bateau”, je me dis que tout le monde aura des lacunes. Pas seulement moi” se rassure Ettora. “Déjà qu’on ne voyait pas beaucoup les profs, regrette Julia, en plus on nous laissait dans le flou. Souvent on travaillait sur nos manuels ou des polycopiés, on faisait ce qu’on nous demandait et puis, rien. Pas de retour. »

Une vie sociale mise à mal
Même si les réseaux sociaux (comme leur nom l’indique) ont permis de maintenir les liens, le manque de contacts et de nouvelles rencontres a pesé sur le moral. Car le lycée, c’est aussi un espace de socialisation où se nouent des relations fortes. S’émanciper du cadre familial, se retrouver entre pairs tout en étant confronté.e à l’autre, issu d’un autre milieu, d’une autre culture…. Un rituel de passage vers le monde adulte qui aura particulièrement manqué aux bacheliers.
Nous étions partagés en demi-groupes, donc nous étions seulement 12. Certes c’était super pour bien avancer en cours mais on voyait toujours les mêmes personnes et c’était un peu pesant. J’aurais aimé faire plus de rencontres, voir plus de monde. Toute l’excitation de la fin d’année, du bac, on ne ne l’a pas vraiment eue. C’est dommage. C’est fini et pourtant j’ai comme un sentiment d’inachevé.
Julia, 19 ans
Pour Nola, en seconde cette année, le masque a aussi été un élément très perturbateur “c’était compliqué non seulement de le porter, mais aussi parce qu’on ne voyait le visage de personne ! » Quand le contact visuel est si limité, pas évident de briser la glace pour rentrer en contact.
Des cours très inégaux selon le niveau de “geekitude” des profs
Qu’ils soient à l’aise ou non avec les outils numériques, les professeurs de lycée ont dû trouver des manières d’adapter leurs enseignements aux circonstances exceptionnelles liées à la distanciation forcée. Alors que certains ont pu apprécier les nouvelles possibilités d’apprentissages offertes par des outils en ligne comme ZOOM et Discord, d’autres professeurs ont eu plus de mal à se les approprier. Julia, 19 ans, témoigne “Certains cours étaient vraiment vivants et sympas. Mais d’autres étaient vraiment laborieux : les profs étaient trop vagues, trop occupés, et ils ne savaient pas vraiment comment nous aider.”
Sans compter les inévitables problèmes techniques qui ont émaillé les séances en ligne. Ettora, 18 ans ajoute que les problèmes techniques rencontrés par certains professeurs dépassés par l’utilisation des écrans et/ou des outils en ligne, ont rendu leurs cours compliqués à suivre pour les lycéens :
On a rencontré pas mal de problèmes de bugs avec les cours de SES (Sciences Economiques et Sociales). A tel point qu’on a fini par demander les cours écrits à la prof pour pouvoir réviser. Je pense que certains profs devraient avoir des petites formations, si l’épidémie recommence l’année prochaine.
Ettora, 18 ans

Car un·e enseignant·e ne doit pas seulement FAIRE cours. Il doit adapter les apprentissages aux différents profils d’élèves, assurer un suivi et surtout motiver les troupes ! Autant de subtilités du métier, qui s’avèrent plus faciles à mettre en œuvre en présentiel. “En visio, il n’y avait personne pour vérifier ce que je faisais. Si j’écoutais le cours ou pas”, avoue Charles, 17 ans. Pour remédier au décrochage scolaire, certains professeurs obligeaient leurs élèves à activer leur caméra lors des visioconférences (et maudissaient l’excuse de la caméra défectueuse). Mais Charles ajoute que le décrochage n’a pas touché QUE les élèves : “Une de mes profs n’a plus jamais donné signe de vie à l’arrivée du confinement !”
Finalement, les évaluations finissaient le plus souvent en devoirs maison. Mais le professeur de géopolitique d’Ettora, a été plus imaginatif pour tenter de reproduire l’ambiance des examens en classe “On faisait des DS (devoirs surveillés) en distanciel. Donc le prof nous donnait le sujet à une heure précise, et 2 heures plus tard il fallait lui avoir envoyé le devoir sur son adresse mail !”
Continuer derrière un écran, ce serait possible à l’avenir ?
Garder quelques cours en distanciel pourquoi pas. Ça fait du bien de pouvoir dormir un peu plus et d’organiser son temps de travail. Mais franchement, la vie sociale, c’est important aussi. Alors il ne faudrait pas que ce soit autant. Juste un peu pour nous permettre de nous poser parfois et d’apprendre l’autonomie. Mais nous avons tout de même besoin des profs !
Julia, 19 ans
En fait j’ai une prof qui avait une santé assez fragile. Donc elle nous a fait les cours à distance pendant 6 mois cette année, même si on avait des cours normaux on devait rentrer chez nous pour ce cours. Du coup on voit tout de suite que c’est pas les mêmes conditions d’apprentissage, c’est beaucoup moins bien donc moi je serais pas du tout pour mettre en place des temps en distant même hors crise.
Charles, 17 ans
Moi j’aimerais beaucoup ! Ça m’a pas plus gênée que ça, j’arrive à bien m’organiser et je me considère plutôt autonome. J’ai aimé surtout le premier confinement, parce qu’on faisait cours en demi groupe, on était 17 au lieu de 34.
Marine, 15 ans
À cause de cette année catastrophique et laborieuse j’ai revu mon orientation scolaire, l’an prochain je vais dans un nouveau lycée, c’est une NSR. Je ne serai présente au lycée que sept semaines par an. Le reste du temps, nous serons en stage. Vu le temps que je vais passer au lycée, je préférerais qu’on soit tous les jours en présentiel pour mieux suivre les cours.
Nola, 16 ans
Je pense qu’il y a eu beaucoup moins de stress que d’habitude, et que pour certaines personnes (comme moi), cette période a contribué à avoir un meilleur dossier. Ça nous a laissé le temps de vraiment nous organiser, de travailler à notre rythme, et de mettre l’accent sur les matières qu’on voulait travailler en priorité. Mais j’aimerais quand même revenir au fonctionnement d’avant le Covid-19 : 100% en présentiel car c’est plus stimulant.
Ettora, 18 ans
Un grand merci aux lycéens et lycéennes qui ont accepté de nous répondre dans le cadre de cet article et bon courage pour la suite !
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